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Kolam


Mais qu'est-ce qu'un kolam ?

C'est une tradition de l'Inde dans la région de Tamil Nadu.

Le quotidien des femmes indiennes comporte de très belles traditions comme le tressage de guirlandes de fleurs, la mise en place de son sari et parfois le Mehendi.

Et lorsque qu'il est demandé aux femmes tamoules d'évoquer l'art indien, elles ne citent dans un premier temps ni les temples ni les sculptures, mais témoignent plutôt d'une démarche artistique plus personnelle. Car parallèlement à ces formes d’art intemporelles, existe un florilège d’expressions artistiques éphémères dont le kolam fait partie.

Travaillée avec le savoir-faire des femmes indiennes, la poudre de riz blanche dessine sur le pas de la porte des habitations, des graphismes dont le but est de recevoir la bienveillance des divinités, tout en projetant de faire rebrousser chemin aux forces obscures. Cette gestuelle renouvelée quotidiennement porte alors le nom de Kolam dans le Tamil Nadu.

Chantal Jumel, spécialiste des arts visuels et rituels en Inde, dans son article intitulé "Les Kolams Indiens", décrit la procédure d'élaboration des kolams avec l'onirisme qui suit "juste avant le lever du soleil, sur les chemins de terre d'un village tamoul, ou sur les trottoirs d'une cité soigneusement balayée, des mains féminines en quête d'éternité créent du bout des doigts des peintures éphémères, pour y inviter les divinités à descendre.


Les doigts, et plus précisément le pouce et l'index, s'écartent légèrement pour laisser échapper une cascade de grains blancs ou colorés qui se regroupent sur le sol jusqu'à former un trait parfait". Singulièrement ces traits ne sont donc qu'un amoncellement de grains blancs sur la terre battue, mais conjointement, ils parviennent à se doter de toute leur signification et vont finalement s'accorder pour donner vie à des graphismes aux motifs d'arabesques florales, dans leur grande majorité.


Ainsi, ces entrelacements graphiques dynamisent le paysage de la rue avant même que celle-ci ne prenne vie avec l'ouverture des échoppes matinales. Ces arabesques se voient conférées des vertus protectrices à destination des habitants de la demeure qu'ils agrémentent, mais également pour les passants.

Les notions de bienveillance et de bienvenue constituent véritablement les notions maîtresses de la pratique du Kolam, dans la mesure où cet art ne se destine pas uniquement à un public humain ou divin.

En effet, si la tradition ancestrale de la pratique du Kolam veut que les motifs soient réalisés avec de la poudre de riz, c'est également afin que les animaux arpentant les rues à la recherche d'une quelconque nourriture, puissent eux aussi trouver une certaine satisfaction en venant consommer la fameuse poudre. Les fourmis sont alors les animaux qui se délectent le plus souvent de ce nectar granuleux.


Par ailleurs, cet art n'illustre pas d'appartenance religieuse particulière et possède uniquement le statut de tradition culturelle fédérant l'ensemble des indiennes le pratiquant.


Ces kolams se transmettent par voie orale et se révèlent être un héritage exclusivement féminin dont la technique se transmet de mères en filles depuis des générations.

Aussi, il n'est pas rare dans les familles tamoules de prendre part à des discussions animées sur la technicité des kolams et les choix des motifs du lendemain, surtout s'il s'agit de la préparation d'une célébration particulière. Chaque femme tamoule possède d'ailleurs une anecdote sur les difficultés ou éventuelles maladresses rencontrées lors de son apprentissage du kolam étant jeune fille, et toutes ont en tête un motif qui leur est cher et qu'elles ne réalisent que lorsque l'occasion s'y prête.

La précision du geste du poignet et des doigts concernés, lorsqu'ils manient la poudre de riz, demeure la qualité principale qu'une jeune fille essaye d'atteindre lors de son apprentissage; et c'est seulement après cette maîtrise qu'il leur est donné la possibilité de faire preuve d'inventivité en créant des graphismes inédits.


Les femmes indiennes pratiquant l'art du kolam prennent cette démarche très au sérieux puisque la richesse et la complexité de leur production sont révélatrices de la qualité de leur apprentissage, et donc de leur éducation.


L’art du kolam est alors un art complexe dont la richesse des significations est multiple. Il n’est pas simplement vecteur de spiritualité, c’est également un moyen de souhaiter la bienvenue à ceux qui franchissent le seuil d’une demeure. "Ces créations spontanées vont donc plus loin que de simples décorations votives et réjouissent autant l’œil que le cœur du passant".


Chantal Jumel souligne ici l'égale importance de la signification du kolam que celle de la qualité de sa réalisation. Les femmes qui réalisent quotidiennement les kolams mettent régulièrement en avant la "dualité" qui fait l'unicité de cet art : "la force et la fragilité" (Chantal Jumel, "Les Kolams Indiens").


La force de la signification divine du message du kolam s'érige en puissant antagonisme face au tracé éphémère de la poudre de riz sur le sol de la rue. Cette fragilité est d’ailleurs fortement valorisée dans la mesure où l’effacement progressif du Kolam au fil de la journée est révélateur du passage et des nombreuses entrées au sein de la maison devant laquelle se dresse le motif : l’hospitalité d’une demeure se mesure donc en fonction de l’état de décomposition du kolam qui orne le pas de sa porte.


La pratique du Kolam peut également se voir considérée comme un puissant moyen d'évasion pour les femmes du Tamil Nadu. La dureté de leur quotidien, notamment dans les familles de pêcheurs où les coups échangés entre les membres d'une même famille sont des canaux de communication banalisés, ne leur laisse donc que peut de répits.

Cet horaire matinal leur permet de s'adonner à la création de leur kolam avec concentration et quiétude, et elles savourent avec calme ces quelques minutes où leur esprit vagabonde parmi les choix des tracés et des motifs, ces quelques minutes qui font d'elles des artistes aussi éphémères que leurs productions. Mais lors de ces quelques minutes de création solennelle, elles prennent possession de leur destinée en tentant d’affranchir leurs esprits de la matérialité du quotidien.


Ainsi, des millions de femmes embrassent chaque matin le paysage paisible de la rue déserte qui s'offrent à elles dans un silence quasi cérémoniel.


Bien que la tradition de la pratique du kolam se transmette de mères en filles, il s’agit d’une tradition orale qui trouve cependant ses racines dans les écritures anciennes. En effet, les tamouls possèdent une littérature foisonnante dont les prémices datent du IIIème ou IVème siècle avant JC.

Si la littérature tamoule ne se réfère à la tradition du kolam qu’en l’évoquant et ne s'alourdit d'aucun détail, elle se fait toutefois le témoin de l'ancienneté de la tradition. Un écrit du XVIème siècle, relate d'ailleurs d’un royaume paisible où « le tigre et la vache b vaient au même point d’eau, les Brahmanes chantaient les Védas, les femmes décoraient les rues de kolams, la pluie tombait à point et ceux qui avaient faim étaient rassasiés. » ( Marcia Archer, "Les figures de Kolam en Inde du Sud").


L'apprentissage du Kolam est une étape décisive dans l’éducation d’une jeune fille. Elles doivent en effet être capables de réaliser un éventail de figures conséquent tout en sachant déterminer quel motif associer à quelle occasion. Ceci dit, cette tradition de dessins n’est pas propre au Sud de l’Inde et l’on peut trouver d'autres formes d'expressions artistiques utilisant des mélanges poudreux, tels que le Muggu, le Rangoli et l’Alpana qui sont présent dans d’autres régions.


Même si l'histoire lie ces traditions il est évident que leurs significations et leurs procédures présentent d'importantes distinctions.



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